Organisme de formation : sécurisez le recours au formateur sous-traitant !
Des décisions récentes de Cours d’appel précisent si les conditions d’emploi d’un formateur en contrat de prestation de service peuvent conduire à requalifier la relation contractuelle en contrat de travail.
L’office du juge est d’apprécier le faisceau d’indices qui lui est soumis pour dire si la qualification de « salarié » peut être retenue. Le juge, saisi d’une demande en requalification d’un contrat de sous-traitance, doit rechercher l’existence d’un lien de subordination. Ce dernier est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir :
- de donner des ordres et des directives,
- de contrôler l’exécution du travail donné,
- de sanctionner les manquements de son subordonné (Cass. Soc, 13 novembre 1996, n°94-13.187 à propos d’intervenants et de conférenciers).
Il n’est cependant pas toujours facile, pour un organisme de formation ayant recours à la sous-traitance, de savoir jusqu’où le partenariat avec un formateur indépendant peut aller sans risquer la requalification. Trois décisions récentes de Cours d’appel donnent des illustrations des indices pouvant être retenus par les juges.
Concernant le pouvoir de donner des directives
La faculté pour le formateur de fixer ses horaires librement et de transmettre ses disponibilités à l’organisme de formation, caractérise son indépendance (– ).
Autre indice d’indépendance juridique : la faculté pour le formateur de refuser des interventions et animations (). Ainsi, le fait que le formateur soit « parfois sollicité au dernier moment, compte tenu des circonstances, pour assurer un enseignement, sans aucune obligation de répondre positivement » est antinomique de la qualification de salariat ( ). Tel ne sera pas le cas si l’organisme de formation « détermine le lieu des interventions dans ses propres locaux ou dans une salle extérieure [qu’il] choisit » et si les formateurs sont « tenus d’accepter ‘la mobilité géographique’ » ().
On relèvera également que les juges du fond accueille favorablement la règle du pluralisme de clients : le formateur indépendant qui s’est constitué sa propre clientèle aura plus de difficulté à faire reconnaître qu’il est dans un lien de subordination (– ). En effet, le fonds de commerce ou le fonds artisanal n’existe pas si le sous-traitant travaille pour un donneur d’ordre unique et donc pour un client unique (art. L8232-1 du Code du travail).
Constituent également des indices de salariat, le fait pour l’organisme de formation :
- de fournir au formateur sous-traitant « tout le contenu pédagogique et les outils de formation » et l’envoi d’une « fiche technique [prévoyant] une organisation complète et stricte de la session de formation avec l’envoi des documents dans un carton contenant pochette pour stagiaires, stylos, documents pédagogiques, lutin pour le formateur,… » ;
- de déterminer « la nature, le contenu et même la durée des interventions des formateurs, au profit des clients par le biais d’un cahier des charges et d’une fiche technique » ;
- de « donner toutes les instructions et directives relatives aux factures à remettre aux clients [et] à la récupération de chèques auprès de certains avant la formation » ;
- de « rembourser les repas, frais d’hôtel et de déplacement et de payer exclusivement à l’heure, de manière régulière selon une grille fixée unilatéralement par lui (via conventions cadre) qui a été modifiée en cours [de relation contractuelle] par une note d’information » ().
Les juges seront plus enclins à requalifier la relation en contrat de travail s’ils constatent que la quasi totalité des formateurs avaient avant d’être indépendants, la qualité de salariés, et qu’il leur a été « demandé » de devenir micro-entrepreneur, quelques mois après la création de ce statut (Cass. civ. 2ème ch, 7 juillet 2016, n°15-6.110 ). Ainsi, est un indice de subordination l’envoi « d’un courriel en date du 24 janvier 2008 adressé à plusieurs collaborateurs non identifiés les informant qu’à partir du mois de février 2008, il n’y aura plus de formateur avec le statut de salarié » au sein de l’organisme de formation ().
Par ailleurs, les juges peuvent également retenir à l’appui de la requalification le fait que « les conditions d’exécution du travail étaient quasiment les mêmes d’un contrat (d’une durée d’un an environ) à l’autre et par conséquent durant toute la relation contractuelle et qu’elles concernaient l’ensemble des formateurs qui s’inscrivaient dans un fonctionnement organisé et structuré ce qui ressort aussi de l’exigence faite auprès de ceux-ci d’entretenir des liens avec l’environnement institutionnel et professionnel (représentation, participation à des congrès, colloques), de participer à des réunions de synthèse et de travailler en équipe » ().
Enfin, si le contrat de sous-traitance prévoit une clause de non concurrence, cet élément constituera un indice de subordination (Cass. civ. 2ème ch, 7 juillet 2016, n°15-6.110 ). Il en va différemment si la clause « ne fait qu’interdire [au formateur] des actes de parasitisme c’est-à-dire des actes par lesquels il tenterait par l’utilisation des logos, matériels ou autres des sociétés défenderesses, de capter lui-même de la clientèle propre » et dès lors que par cette clause il « ne lui est absolument pas interdit de développer sa propre clientèle » (
Concernant le pouvoir de contrôler l’exécution du travail
Constituent des indices d’existence du pouvoir de contrôle, le fait pour l’organisme de formation :
- à l’issue de chaque intervention, de demander au formateur sous-traitant de remplir et remettre à l’organisme de formation une feuille de présence, ainsi que les fiches d’évaluation des clients tous deux à entête de l’association ;
- de demander au formateur sous-traitant de remplir un compte rendu de formation où il était mentionné en tant que formateur et non sous-traitant ;
- de demander au formateur sous-traitant d’ enregistrer à la fin de ses interventions, les horaires effectués sur un lien reçu par mail émanant directement de l’association ().
Les juges décident que « la combinaison et le contenu de ces exigences ne permettent pas de considérer qu’elles ne visaient qu’au contrôle de la présence des stagiaires puisqu’il y a des éléments relatifs au contrôle du travail et du temps de travail du formateur et que celui-ci était payé à l’heure. » Les demandes de l’organisme de formation « présentent ainsi un caractère comminatoire qui sont de nature à révéler l’existence de directives sous la subordination » de ce dernier ().
Concernant le pouvoir de sanction de l’exécution du travail
Les juges relèvent que « le pouvoir de sanction découle d’une part du contrôle exercé et de la liberté de [l’organisme de formation] de résilier le contrat en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution contractuelle, possibilité également détenue par [le formateur] mais en réalité restreinte par la dépendance économique dans laquelle il était placé ; d’autre part, de la possibilité pour [l’organisme de formation] de diminuer les missions ou de ne plus en confier [au formateur] ». Ils rappellent par ailleurs que « l’absence de mise à exécution d’une sanction n’a pas d’incidence sur l’existence du lien de subordination » ().
oOo